LE SCOURTIN DE PROVENCE
pièce maîtresse de la décoration d’intérieur
C’est ici qu’en 1882 Ferdinand et Marie Fert ont lancé la fabrication mécanique des scourtins, dans les locaux d’une ancienne magnanerie dont certains vestiges demeurent, comme l’ancien étouffoir des cocons de soie qui sert aujourd’hui à la teinture des scourtins. L’idée de génie de Ferdinand a été de produire de façon quasi industrielle cet outil indispensable à la production de l’huile d’olive dans les moulins de la région où il servait de filtre, et jusque-là fabriqué à la main avec de l’alfa, une graminée qui pousse sur les terres arides espagnoles et très utilisée en vannerie. « Mais ces tiges ne se tissent pas alors Ferdinand a fait des essais avec différents matériaux pour finalement trouver la fibre de noix de coco, découverte sur le port de Marseille car les cordes de marine étaient faites de cette fibre », raconte Sophie Villeneuve, qui incarne la 5e génération à la tête de la PME aujourd’hui toujours bien vivante. Car si les moulins à huile ne représentent plus que 10 % des commandes de La Scourtinerie, l’entreprise labellisée Patrimoine vivant a su séduire toute une clientèle de particuliers, boutiques et établissements accueillant du public comme les hôtels, avec ses créations en différents diamètres, idéales en dessous de plat, en tapis, ou encore en sets de table et plus récemment en ombrières...




« Les grands tapis ont eu énormément de succès cette année, nous venons tout juste d’en livrer dix à Roland-Garros ainsi que 80 dessous de plat, en couleur terre battue ! » poursuit la jeune femme, qui après des études de commerce et un petit tour d’Asie, a fini par rejoindre l’entreprise familiale il y a cinq ans. « Maman, qui travaille aussi ici, s’était fait mal à la main et m’a appelée en renfort, ce devait être provisoire », se souvient Sophie. Cette globe-trotteuse dans l’âme a toutefois négocié la possibilité de conserver un voyage un Inde, une fois par an, pour aller à la rencontre de ses fournisseurs de fibre de coco, produite dans le Kerala. « On a longtemps cherché un matériau de qualité, et on a fini par trouver le bon fournisseur, qui travaille aussi dans des conditions éthiques. »
Dans l’atelier à l’étage de La Scourtinerie, les bobines de cette fibre réputée imputrescible se mêlent aux tapis tout juste sortis des différentes générations de machines qui fonctionnent toutes sur le même principe ; une roue pourvue d’aiguilles autour desquelles s’enroule le fil, pour former une couronne dont la finition se fera toujours à la main, avec un crochet. Il faut ainsi moins de 30 mn pour fabriquer un tapis de 25 cm, mais une journée entière pour finaliser un grand rond de 2,50 m. Une petite quinzaine de ces pièces d’exception a été vendue depuis le début de l’année, mais aussi 700 dessous de plat de toutes les couleurs... Des créations protégées depuis 1956, lorsque la famille a déposé le nom de Scourtin de Provence, pour s’attaquer au marché de la décoration d’intérieur, lorsque le gel des oliviers a donné un brusque coup d’arrêt aux moulins de la région. « Aujourd’hui quelques-uns continuent, pour la tradition, notamment dans le Var, de presser avec des scourtins en fibre de coco mais la plupart de nos commandes pour l’alimentaire, comme les vignobles ou les oléiculteurs sont en polypropylène que nous tissons désormais aussi », précise la jeune femme en pleine visite de groupe dans le musée de La Scourtinerie.


Depuis la fin de l’année dernière, ce nom-là aussi a été déposé. Et les ventes, en direct sur le site internet ou même à la boutique, tirent le chiffre d’affaires vers le haut. Déjà choisi par Jacques Tati comme élément de déco dans son film Mon oncle, le scourtin, sobre et graphique, est aussi un vrai emblème du Sud. Comme en atteste cette vieille photo à l’entrée de La Scourtinerie, sur laquelle des femmes, à la fin du XIXe siècle, dans une petite rue de Cassis, fabriquent à la main les fameux filtres. Le scourtin aurait pu disparaître. La Scourtinerie de Nyons, derrière ses grands murs blanchis et ses volets croisés, lui a conservé toute sa place, et même fait de lui un accessoire d’intérieur prisé des grands hôtels.


scourtinerie.com

		














